Władysław Bukowiński
1904-1974
Władysław-Antonij Kiprijanovič Bukowiński naquit le 22 décembre 1904 à Berdyczów ; il était le frère aîné de Gustav et Irene, tous enfants du premier mariage de Jozef Cyprian Bukowiński, dont l’épouse, Jadwiga Scipio del Campo, mourut en 1918 ; ayant alors épousé en 1920 la sœur de cette dernière, Victoria, Jozef eut encore un fils, Zygmunt.
Cette famille était polonaise d’origine et, comme beaucoup de familles de ces régions, habitait dans la zone qui aujourd’hui est l’Ukraine, dans ce qui était l’Empire de Russie.
Władysław reçut le baptême le 26 décembre suivant sa naissance.
En 1912, on déménagea dans la ville polonaise d’Opatów. En 1914, Władysław revint en Ukraine, pour étudier à Kiev puis dans la région de Podolia ; en 1917, il fréquenta une école polonaise à Płoskirów (nom polonais de la ville ukrainienne de Khmelnytskyi) et, en 1920, fuyant l’avancée des Bolcheviks, la famille s’en vint dans la ville polonaise de Sandomierz.
En 1921, Władysław passa l’examen de terminale à Cracovie et entreprit des études de théologie. C’était un esprit supérieur qui savait mener de front plusieurs activités : il fréquenta également les cours de Droit à l’université ; il publia trois mémoires sur l’histoire de droit médiéval, dont deux furent récompensés par la faculté. De 1923 à 1925, Władysław suivit les cours de Sciences Politiques à la faculté de Droit et obtint son diplôme de doctorat.
En 1926, après une heureuse rencontre avec un ecclésiastique, il décida de commencer vraiment la théologie en vue du sacerdoce. Il fut ordonné prêtre en 1931.
De 1931 à 1935, il fut vicaire et catéchiste à Rabka, où il fonda le cercle Revival pour les étudiants. En 1935-1936, il fut vicaire et catéchiste à Sucha Beskidzka ; il fut ensuite à Łucka de 1936 à 1945.
Durant cette période, il travailla beaucoup aux côtés d’immigrants polonais, de prisonniers politiques ou criminels. Il enseigna la sociologie au Grand séminaire de 1936 à 1939, en même temps qu’il devenait le secrétaire général de l’Action Catholique à partir de 1938, directeur de l’Institut Supérieur de Sciences Religieuses et rédacteur en chef adjoint de La Vie Catholique.
Lors de la déclaration de guerre en 1939, l’évêque lui confia la pastorale de la cathédrale de Łuck, où l’on put remarquer et admirer sa grande intelligence, sa sérénité en face du danger, sa détermination à défendre la liberté de la religion.
En 1940, il fut arrêté par les agents du NKVD (la police secrète soviétique) et condamné à huit années de travaux forcés pour le crime d’être prêtre dans une zone contrôlée par le communisme. En 1941, les troupes germaniques envahirent l’Union Soviétique et la police soviétique voulut abattre les prisonniers ; mystérieusement, Władysław ne fut pas fusillé, et put reprendre sa place à Łuck ; là, il s’employa à cacher des enfants juifs chez des familles catholiques.
Survint une seconde arrestation en 1945, avec d’autres prêtres et l’évêque. On les expédia à Kovel puis Kiev, en les accusant de trahison ou d’espionnage en faveur du Vatican. En juin 1946, Władysław fut condamné à dix années de goulag, dans les mines de Karaganda (Kazakhstan) ; mais Władysław n’était pas abattu pour autant : dès qu’il le pouvait, il passait parmi les prisonniers pour les réconforter, pour donner l’absolution, pour donner l’Eucharistie - car il arrivait aussi à célébrer clandestinement.
En 1947, il fut transféré dans une autre prison, où il contracta une sévère pneumonie ; après une brève hospitalisation, il fut renvoyé en prison ; en 1950, nouveau transfert dans un autre camp. Władysław continuait son apostolat caché et efficace auprès des autres prisonniers, particulièrement des malades.
Presqu’au terme des dix années infligées, en 1954, il fut «libéré», mais affecté à la surveillance d’un chantier de construction à Karaganda ; en réalité, il était le premier prêtre à pénétrer dans ce lointain Kazakhstan communiste. Władysław s’organisa pour célébrer la Messe dans des maisons privées, tous rideaux bien fermés. Il devait se présenter chaque mois à la police locale pour pointer.
En 1955, on lui proposa de retourner en Pologne ; il préféra rester au Kazakhstan et devint même officiellement un citoyen soviétique. Il remit sa démission comme surveillant de chantier et ne s’occupa que de ses activités sacerdotales, même cachées.
En 1957, il vint en aide à un groupe de Polonais déportés à Alma-Ata, nouveau crime pour lequel il fut accusé d’activités illégales (il avait fait construire pour eux une chapelle !), et envoyé pour trois ans dans un camp de travail à Irkutsk. Il put revenir à Karaganda en 1962.
De 1963 à 1973, Władysław put voyager trois fois en Pologne : il fut reçu par l’archevêque Karol Wojtyła, futur pape s.Jean-Paul II. Très surveillé par les services secrets, il put faire une brève visite à sa famille, accomplit encore une mission en Tadjikistan, dut passer plusieurs mois d’hospitalisation et retourna au Kazakhstan en octobre 1974, très affaibli. Il célébra la Messe pour la dernière fois le 25 novembre et reçut les ultimes Sacrements.
Władysław avait cumulé plus de treize années de camp de concentration. Il s’éteignit à Karaganda, le 3 décembre 1974, ayant entre ses doigts le chapelet qu’il s’était confectionné avec des boulettes de pain.
Władysław Bukowiński fut béatifié en 2016, et inscrit au Martyrologe le 3 décembre.